EPISODE 4: CULTURAL SPACES
…sur la médiocrité ambiante.
Les intervenantes du quatrième épisode:
Laura Nsengyumva est une artiviste, architecte et chercheuse. À travers sa pratique interdisciplinaire, Nsengiyumva explore des thèmes tels que l'expérience diasporique, les histoires cachées, les relations Nord-Sud et l'empathie. Ses actions artivistes comme PeoPL et Queen Nikkolah, font partie de son projet de recherche "Shaping the presence of the African diaspora in Belgium". Nsengiyumva est affiliée en tant que chercheuse artistique à KASK Conservatoire / HOGENT et Howest. Elle a remporté le premier prix du Kunstsalon de Gand en 2011, et le deuxième prix à la Biennale de Dakar en 2012.
Source: https://kanal.brussels/fr/evenements/talk/act-breathing-notes-fugitivity
Assistante du directeur artistique (Toma Muteba Luntumbue) de la 5ème Biennale d'art contemporain de Lubumbashi (2017), Sorana Munsya fait partie de l'équipe éditoriale de la revue d'art contemporain Afrikadaa et est également membre du collectif éponyme. Elle a co-organisé avec ce collectif la 3e édition de la Foire du livre d'art africain (Fiac, Art Basel) en tant que responsable des éditeurs et a travaillé sur l'exposition intitulée "Make It Yourself » lors de la Biennale de Dakar en 2018. Elle a également contribué à la création du catalogue de l'exposition "Young Congo" organisée par le centre d'art Kin Artstudio (Vitshois Mwilambwe) et à d'autres manifestations artistiques sur le continent africain. Elle collabore actuellement avec Mu.Zee (Ostende) dans le cadre d'un projet d'écriture autour du travail de l'artiste Pascale Marthine Tayou. Sorana Munsya est titulaire d'un diplôme en psychologie et d'une maîtrise complémentaire en développement international en Belgique.
Source: https://www.wiels.org/fr/events/look-whos-talking-sorana-munsya
Les inspirations…
et références.
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ruangrupa 👉🏿👉🏿👉🏿👉🏿👉🏿
et la documenta fifteen
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Lors de notre conversation, Sorana relève l’exemple de la curation de la documenta fifteen qui avait lieu au moment même à Kassel. Ni une, ni deux, je book mon billet et je m’y rend pour voir cela de mes propres yeux. La documenta, j’en ai entendu parlé durant mes études d’histoire de l’art évidemment mais très honnêtement, je ne m’y étais jamais sentie invitée (politiquement, je veux dire). Cet événement, c’est une des manifestation internationales majeures qui donnent le ton sur le type de productions contemporaines qui seront mises en avant les années suivantes. C’est un rendez-vous incontournable pour les curateurices du monde entier qui vont faire leur petit shopping et planifier leurs expositions à venir dans leurs espaces respectifs. On y donne le ton. Que le comité choisisse un collectif comme ruangrupa pour prendre en charge la curation de l’édition 2022 était donc un signal inédit et très encourageant pour les personnes qui aimeraient voir valorisées des production artistiques issues des marges, des voix et visions peu entendues. Une fois sur place, je ne fus pas décue (si ce n’est par la qualité de la petite restauration, mais là n’est pas le sujet). Pendant une minute, je me suis risquée à croire que le turn over d’une grande institution avait abouti. Je me suis régalée et J’ai pu y observer le travail du Centre d’Art Waza de Lubumbashi. Le hasard a fait que j’allais avoir la chance de le visiter quelques mois plus tard. Dans le même espace, Black Archives y présentait leur projet basé à Amsterdam, un lieu que j’avais visité quelques mois plus tôt et qui était entré dans mes inspirations majeures pour la construction d’un espace de travail artistique, politique et communautaire en Belgique. Des références qui me parlaient directement et provenant d’un côté et de l’autre de la méditérannée prenaient toute la place, unapologetic. Un vent d’espoir soufflait sur l’Occident. ça n’a pas duré longtemps.
Le vent aurait-il subitement tourné ? Ou n’a-t-il jamais cessé de souffler dans la même direction ?
Un an plus tard, dans le contexte du génocide palestinien et la silenciation de multiples artistes sur le sol allemand (mais pas que), Bracha Lichtenberg Ettinger, Ranjit Hoskote, Simon Njami, Gong Yan, Kathrin Rhombert et Maria Inés Rodrigues, membres de comité de la programmation sixteen viennent de publier une lettre de démission expliquant qu’ielles ne peuvent imaginer participer à l’émulation de l’art contemporain dans un pays qui ne laisse pas ses artistes s’exprimer librement sur cette actualité. Cliquez sur la réthorique ci-dessus pour lire la déclaration complète de Ranjit Hoskote. Shout out à ces personnes qui choisiront toujours la vérité, et la dignité humaine à la validation blanche. Et qui nous offre une guidance à laquelle je peux adhérer sans rougir.
Coup de gueule introductif…
À l’heure où j’écris les dernières lignes de cet article, les bombes continuent de tomber sur la Palestine depuis le dernier assaut de l’Etat d’Israël qui a commencé le 7 octobre 2023. Plus d’un mois, et alors que les demandes internationales de cessez-le-feu résonnent à travers le monde on observe l’implication particulière d’artistes racisé·es pour relayer différentes voix. Quoi de plus évident pour des personnes dont l’histoire personnelle résonne souvent avec celles des peuples indigènes et habitants de terres occupées. Grâce à la vigueur et la liberté de parole que permettent les réseaux sociaux (limitées ceci dit, on voit bien les shadow-banning et les censures des Meta opérer), une formidable solidarité internationale envers tous les peuples colonisés transforment la colère en diverses formes d’organisations. Des personnes très jeunes et sans beaucoup de moyens se joignent à la cause. Malheureusement, après un mois d’indignation, je ne peux que dresser ce misérable bilan: les réponses des institutions culturelles occidentales sont plus que décevantes. À commencer par le tonitruant silence et les hésitantes prises de positions. Les appels à la paix visant à éviter les conversations difficiles. Et la silenciation de celleux qui parlent.
Voici donc un échantillon d’artistes qui parlent, ou ont parlé et qui, à cause de cela, sont aujourd’hui absentisé·es via l’annulation de contrats et autres réactions bien fragiles (et médiocre) du style.
ARTFORUM, un magazine mensuel spécialisé dans la critique de l’art contemporain, a remercié David Velasco le 26 octobre 2023 suite à la publication d’une lettre ouverte en soutien à la Palestine exigeant un cessez-le-feu. David Velasco occupait ce poste depuis 18 ans (LoliLOL).
La lettre ouverte en question et les signataires.
Le FolkWang Museum d’Essen a mis un terme à sa collaboration avec l’artiste noir et queer Anaïs Duplan suite à ses postes en soutien avec la Palestine. Les publications ci-dessous proviennent de la page instagram de l’artiste. Deux constats: Le premier. Les institutions culturelles blanches sont capables de prendre des décisions drastiques dans la minute quand elles sont vraiment dérangées par un truc - et peu importe les coûts (ou coups - ahah.) de productions qui avaient déjà été engagés - pourtant j’imagine que comme partout le budget était serré hein… (le silence est donc un choix et pas des plus classes). Le second. (Celui-là me fait rigoler très très fort), le sujet de la collab’ portait sur l’Afrofuturisme mes petits potes. En résumé vite-fait, un mouvement artistique et politique qui défend le concept de BLACK LIBERATION NOW et qui s’ancre donc dans un mouvement solidaire avec tous les peuples dont la liberté est niée (ben ouai, sinon, ça ne fonctionne pas). ça veut mettre l’afrofuturisme à l’affiche du musée, mais ça vire leurs artistes noires dès qu’ielles prennent librement la parole. Du très très beau white washing pris en FLAG.
JE VOUS JURE, PLUS J’AVANCE DANS L’ECRITURE DE CET ARTICLE, PLUS J’AI CHAUD. ET POURTANT JE SUIS À SEOUL ET IL FAIT TEMPERATURE RESSENTIE +/- -40°C.ALLEZ ON RESPIRE.
ENSUITE
Ausstellungen à Berlin annule l’exposition de Raphael Malik sous prétexte que montrer un point de vue uniquement palestinien serait antisémite. Ou l’art de tout mélanger et vomir de la merde enveloppée dans des formules de politesse (d’ailleurs à ce stade, franchement, ne vous fatiguez même plus et laissez tomber la politesse.)
Pourtant si vous allez sur leur page d’accueil, ils adorent mettre en avant la diversipublicitey.
NON SPOILER ALERT: ça n’arrive pas qu’aux personnes pas trop connues. Même les grand·es artistes adulé·es jusqu’ici par le monde blanc s’en prennent plein la gueule si ielles empathissent un peu trop avec les palestinien·nes. Tu veux un exemple? AI WEIWEI MA GUEULE! (tu peux dire du mal de la Chine, mais nos petit·es copaines sionistes, ça NON!).
La source >>> ICI
Quand y’en a plus, y’en a encore ! Mais j’ai encore les références de l’épisode à poster et l’heure avance. Donc je vous laisse (pour le moment) avec cette liste publiée par FORWARD et qui reprend une série de manifestations culturelles censurées depuis le 7 octobre 2023 pour les mêmes raisons dégueulasses que vous aurez comprises.
VOILA.
Autant le dire, j’ai la haine, mais je ne suis pas surprise. Ironiquement, j’ai tellement angoissé lors de l’écriture et la diffusion de ces épisodes, en grande partie parce que je me sentais complètement illégitime de m’octroyer le droit de partager publiquement mon avis alors que personne ne m’avait rien demandé. Ceci dit, ces dernières semaines, m’aident à accepter que malheureusement, je suis du bon côté de l’histoire et que les contenus traités sont au cœur de l’actualité. Les limites de l’amour se font bien sentir mes petit·es potes.
Allez, sur ce LOOOOOONG coup de gueule, on enchaine avec les références de l’épisode 4.
ruangrupa a été fondé en 2000 par un collectif d’artistes suite au besoin ressenti par les fondateurices qu’un espace (physique et mental) soit mis à disposition des artistes.
Ielles peuvent ainsi se concentrer intensivement directement sur la partie créative du travail et non sur les moyens de productions. En tant qu’association, ielles veillent à implanter l’art au sein de la société via des expositions, des festivals, des laboratoires artistiques, et des publications physiques et en ligne.
ruangrupa est une organisation qui n’a pas peur de se faire, se défaire et de se réinventer aux rythmes des nouveaux besoins. La flexibilité fait partie de leurs priorités et chaque membre entretient une pratique individuelle à côté du collectif.
Source: https://ruangrupa.id/en/about/
Mes coups de coeurs et découvertes en escaliers…
Les collectifs et projets présentés ci-dessous n’étaient pas tous présents à la documenta, mais c’est en y allant que j’ai pu y découvrir - parfois par rebond - leur travail. Mon oeil a été attiré par trop de choses pour toutes les citer, je propose donc un highlight ciblant les démarches qui répondent aux questions que je pose durant l’épisode à savoir: Commment s’émanciper de l’extraction culturelle des Nords et des épistémicides par appropriation interposées, tout en créant des moyens de productions indépendants et pérennes en mesure de soutenir des espaces culturelles où des artistes racisé·es peuvent se concentrer sur leur processus de création. Oui cette phrase est longue, relisez-la donc.
Les podcasts produits par le centre d’art Waza de Lubumbashi
L’été 2022 à Kassel, je découvrais les fondeurs de cuivre de Walemba à travers l’installation du centre d’art Waza. Six mois plus tard, j’atterrissais à Lubumbashi dans le cadre d’une recherche artistique (dont je vous parlerai dans un autre article), afin de réaliser un pas de plus vers la construction personnelle d’un réseau d’artistes issus de la diaspora noire. Dans mon esprit, imaginer un modèle financier pour créer des moyens de production indépendants ne pouvait prendre place que dans un mouvement solidaire entre les différents membres de la diaspora noire. Comprendre nos différents contextes et besoins est donc la première phase de travail dans laquelle je me suis lancée. Grâce à Joseph Kasau, membre de différents collectifs dont le centre d’art Waza, j’ai pu transformer cette rencontre virtuelle, en de réels échanges avec plusieurs artistes du collectif. Le résultat de ces différentes conversations fera également l’objet d’un article ultérieur. En attendant, je vous laisse avec un épisode du podcast produit par le le centre WAZA.
Le groupe 50:50
Autre collectif dont j’ai eu connaissance lors de mon voyage à Lubumbashi et qui propose des collaborations entre artistes européens et africains qui réfléchissent activement sur les formes d’inégalités économiques et politiques qui gangrènent les “échanges” culturels.
The question of funding
Kassel, Kassel, Kassel… j’ai pris connaissance de l’existence de The question of Funding qui est un collectif… PALESTINIEN (ahah, je vous jure que j’ai pas fait exprès) qui questionne avec profondeur les économies de financements et leur impact sur les productions culturelles des communautés qui en “bénéficient”. Est-ce un hasard que leurs questions rejoignent de si près les préoccupations des créateurices noires (m’est avis que non). Les terres peuvent être occupées, mais nos esprits ont toujours gardé leur soif de liberté. By the way, je me casse le ucke à vous mettre un paquet de liens, donc soyez sympa et allez checker tout ça. Et si vous avez pas le time tout de suite, sauvez les dans getpocket.
Et enfin (du moins pour aujourd’hui) Another Roadmap African Cluster,
un nouveau réseau international ajouté à ma liste, aujourd’hui porté par des groupes de travail basés dans 22 villes différentes éclatées sur 4 continents. Les membres organisent des workshops, conférences et autres événements qui questionnent la pédagogie des arts, les pratiques muséales et les économies créatrices sans éclipser les dynamiques coloniales dans lesquelles nous sommes encore empêtré·es. Si ça t’intéresse, c’est très facile de t’inscrire et de suivre les actualités des différents groupes, il te suffit pour cela de te rendre sur le site internet >>> ICI <<< et de créer un profil.
Un dernier point
Sur ces différentes réflexions, références et autres liens qui viennent compléter le quatrième épisode des Absent·es, je tiens à rappeler l’importance de garder une indépendance sur les canaux de diffusion utilisés pour nous rassembler et communiquer. Les événements récents nous ont montrés la force que peut nous apporter les réseaux sociaux pour renverser les campagnes de désinformation au service des pouvoirs coloniaux toujours en place. Les faiblesses ont été aussi mises au jours, à savoir la facilité pour ces pouvoirs, dans un monde qui parle le langage de l’argent, de silencier les personnes qui se battent pour la vérité. Aussi, ne nous reposons pas uniquement sur ces moyens de communication et organisons-nous pour préserver nos indépendances et nos libertés de penser. Créons nos propres sites internet, et autre forums et soyons vigilent·es à nos choix en matière d’hébergement. Mutualisons nos forces, quitte à paraître un peu brouillon·nes ou dispersé·es. Et surtout, ne nous sous-estimons pas.
PORTEZ-VOUS BIEN.
Note chronologique:
Première publication de l’article le 17 novembre 2023. Republié le 16 mai 2024 suite à une suppression involontaire de l’article après à une mauvaise manip’ et un gros coup de chaud.